La trêve hivernale : c'est quoi ?
La trêve hivernale est une période pendant laquelle les expulsions locatives sont suspendues pour protéger les locataires de la rigueur de l’hiver.
Ce principe, instauré en 1956 et étendu depuis aux coupures d’énergie, demeure un pilier du droit au logement et de la protection des plus vulnérables. Cette trêve s’étend du 1er novembre au 31 mars de chaque année, durant laquelle aucune expulsion locative ne peut être réalisée.
Cependant, certaines exceptions existent, et les effets de cette mesure soulèvent des questions sur l’équilibre entre protection des locataires et droits des propriétaires.
1. La portée de la trêve hivernale
La trêve hivernale vise à empêcher les expulsions pendant la période hivernale, reconnaissant ainsi la nécessité de protéger les locataires de conditions climatiques difficiles. En pratique, cela signifie que toute procédure d’expulsion en cours est suspendue pendant ces cinq mois de sa durée.
La suspension des expulsions concerne les locataires qui ont un contrat de location en règle. Toutefois, cette trêve n’annule pas les dettes : les loyers restent dus, et les créances locatives s’accumulent. Une fois la trêve hivernale terminée, les procédures d’expulsion reprennent, souvent avec un afflux de cas dès le 1er avril, mettant en lumière la nécessité de solutions préventives pour limiter les conflits locatifs.
2. Les exceptions à la trêve hivernale
Si la trêve hivernale protège la majorité des locataires, il existe des exceptions prévues par la loi, qui autorisent les expulsions dans certains cas spécifiques prévus par le code des procédures civiles d’exécution :
- Les squatteurs : Les squatteurs, c’est-à-dire les individus ayant pénétré dans un logement sans autorisation, ne sont pas couverts par la trêve hivernale. La loi Élan de 2018 a clairement exclu les squatteurs du bénéfice de cette protection, permettant ainsi leur expulsion à tout moment.
- Logements dangereux : Les occupants d’immeubles jugés dangereux par un arrêté de péril peuvent être expulsés pendant la trêve hivernale, car la sécurité des résidents prime sur la protection contre l’expulsion.
- Résidences universitaires : Les étudiants logeant dans des résidences universitaires peuvent être expulsés pendant la trêve s’ils ne respectent plus les conditions d’attribution de leur logement, par exemple, s’ils ont terminé leurs études.
- Cas de violences conjugales : En cas de violences au sein du foyer, la trêve ne s’applique pas, permettant l’expulsion de l’auteur des violences dans le cadre de la protection de la victime.
- Le faux dossier de location : Le locataire qui a fourni un faux dossier de location est considéré comme s’être introduit dans le logement à l’aide de manœuvres frauduleuses. Le juge a donc le pouvoir de réduire ou supprimer l’application de la trêve hivernale pour ces locataires.
Ces exceptions montrent que la trêve hivernale est pensée pour protéger les personnes dans des situations classiques de bail, tout en permettant d’intervenir dans les situations sensibles où la sécurité ou l’intégrité physique sont en jeu.
3. Les dispositifs de prévention et d’accompagnement
Afin de limiter les expulsions locatives et de prévenir les situations d’impayés, plusieurs dispositifs ont été mis en place :
- Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) : Créée par la loi Alur, la CCAPEX permet d’intervenir en amont pour résoudre les incidents de paiement, en associant les services sociaux, les bailleurs et les organismes d’aide au logement afin d’éviter l’accumulation de dettes locatives. Elle offre également un accompagnement social et financier aux locataires pour mieux gérer leurs difficultés.
- Diagnostic social et financier : Avant qu’une expulsion soit prononcée, un diagnostic est réalisé pour évaluer la situation du locataire et envisager des solutions adaptées, telles que l’étalement des paiements. Ce diagnostic, obligatoire dans certains cas, permet de protéger les locataires de bonne foi et de trouver des solutions avant que la situation ne devienne irréversible.
- Acte de cautionnement, Garantie Visale et autres garanties locatives : Ces dispositifs de garantie de paiement des loyers permettent aux propriétaires d’avoir une couverture en cas de défaillance des locataires, réduisant ainsi le risque de pertes financières pour le bailleur tout en offrant au locataire une sécurité temporaire.
- Un contrat de location bien rédigé : un contrat de location bien rédigé peut permettre d’éviter bien des litiges, ainsi qu’une mauvaise interprétation par la juge. Si beaucoup de procédures d’impayés de loyer ont pour origine des problèmes d’argent et une situation financière précaire pour le locataire, un certain nombre de procédures d’impayés locatifs trouvent leur origine dans un litige entre propriétaire et locataire qui a conduit ce dernier à suspendre spontanément le paiement de son loyer.
Ces mesures sont essentielles pour éviter la dégradation des relations locatives et pour assurer une transition vers un équilibre financier plus stable entre les parties.
4. Les perspectives et enjeux de la trêve hivernale
La trêve hivernale reste un enjeu central du droit au logement. Avec un nombre croissant de familles menacées d’expulsion chaque année, la pression sur le système locatif et les dispositifs d’accompagnement social augmente également. La Fondation Abbé Pierre et d’autres associations de lutte contre le mal-logement appellent régulièrement à renforcer la prévention en matière d’expulsions et à allonger la trêve hivernale en fonction des circonstances socio-économiques.
Des débats existent aussi autour de la question des propriétaires individuels, pour qui les pertes de revenus peuvent s’avérer très difficiles à absorber. Les organisations de défense des propriétaires demandent des compensations ou une révision des modalités de la trêve pour garantir que celle-ci ne soit pas trop pénalisante pour les bailleurs.